Le Bihar, un aperçu…

Site de Nalanda, Bihar, Inde

Parler de l’école à Bodh Gaya amène parfois la question : « mais où se trouve le Bihar ? « 

Alors un peu de géographie !

C’est un état du nord de l’Inde, bordé par le Népal au nord, le Bengale occidental à l’est, l’Uttar Pradesh à l’ouest et le Jarkhand au sud.

Ce dernier, le Jarkhand, est né de la partition du Bihar en 2000. Avant cette division le Bihar était le second plus grand état de l’Inde, mais néanmoins il le reste par sa densité de population : plus de 1100 habitants au km² ! Et 38 districts.

L’état comptait plus de 103 millions d’habitants en 2011, pour une superficie de 94 160 km². Sa capitale, Patna, compte plus de 2 millions d’habitants et se trouve sur une rive du Gange.

Sa population est rurale à plus de 93 %. Ses paysans cultivent de petites surfaces, alternant deux récoltes, l’une de riz et la suivante, de blé et légumineuses.

La mousson y est primordiale, mais peut y être autant bénéfique que dévastatrice. En 2008 la mousson laissa 100 000 sinistrés isolés par les inondations et de nombreuses victimes.

Et un peu d’histoire, en très bref.

L’histoire ancienne du Bihar est celle des grands royaumes des temps védiques, le Maghada et le Vidaha, que l’on peut dater jusqu’à 600 ans avant notre ère.

Ce furent des centres culturels qui rayonnaient dans toute l’Asie du sud.

C’est le lieu d’apparition de deux grandes religions, le jaïnisme et le bouddhisme.
Le Jaïnisme est la plus ancienne. Apparue 1000 ans avant notre ère, elle prône la non violence et le respect extrême de toute vie. Mahavira, né au Bihar 6 siècles avant J.C., en fut un grand maître spirituel.

Au Vidaha, dans l’actuel Népal, Siddharta Gautama, le Bouddha historique, y fonda une communauté de moines 2600 ans avant notre ère.

C’est à Bodh Gaya que le Bouddha réalisa l’éveil, sous un figuier monumental dont le descendant est toujours présent sur le site.

Temple de la Mahabodhi, Bodh Gaya

L’empereur Ashoka, 300 ans plus tard, y construisit un imposant Stupa à la place même de l’éveil du Bouddha, et adopta les principes non violents du Bouddhisme.

Les pèlerins du monde entier y affluent, particulièrement quand le Dalaï Lama pratique de grands rituels.

Par la suite de nombreux enseignements donnés dans ces régions fondèrent les bases du Bouddhisme.

Actuellement les traces historiques sont nombreuses et imposantes, comme le site de Nalanda qui a été la première université au monde, où les érudits les plus vénérés du bouddhisme ont vécu et enseigné. L’influence de Nalanda a rayonné pendant plus de 10 siècles !

Site de Nalanda

C’est aussi à Rajgir, au lieu dit « le Pic des vautours » que le Bouddha énonça « le Soûtra du Cœur », condensé de la philosophie bouddhiste.

Au pays de sa naissance le bouddhisme ne représente maintenant que 0,4% de la population, l’hindouisme à peu près 83 % et l’islam 16 %.

Pour illustrer l’importance du Bihar pour les grands courants religieux de l’Inde, on notera que Patna, lieu de naissance du dernier Gourou du Sikhisme, Gobind Singh, est l’un des cinq lieux saints des Sikhs.

Le rayonnement culturel et politique changea de camp pendant la domination musulmane à partir de 1200. Cette domination allait durer plusieurs siècles, suivie en 1500 par l’ère des dynasties mogholes.

Au 18e siècle les marathes envahissent le Bihar, et de manière très condensée c’est de cette friction avec l’islam implanté que naquit une langue commune, l’ourdou, la seconde langue parlée de nos jours au Bihar, après l’hindi et avant l’anglais.
Pendant la domination du Raj Britannique, la capitale indienne, fixée auparavant à Calcutta, a été relocalisée à New Delhi, déplaçant de fait le rayon d’influence loin du Bihar.
Et avant l’indépendance de l’Inde en 1947, c’est du Bihar que partit le Mahatma Gandhi dans son grand mouvement de désobéissance civile.

A l’heure actuelle…

A l’heure actuelle le Bihar reste un état considéré comme « attardé » et qui fournit beaucoup de travailleurs migrants.

Nombre de rickshaws sont conduits par des Biharis, qui dorment dans leurs véhicules, et sont les immigrés de leur propre pays.

La malnutrition y est endémique, 40 % des enfants de moins de 5 ans ont un retard de croissance.

La dernière importante famine date des années 1966-1967, presque hier !

Les sols sont fertiles mais les terres morcelées, les paysans qui les exploitent sont les journaliers de propriétaires qui ne les valorisent pas; elles peuvent être dramatiquement balayées par la mousson.

Laboureurs

Le Bihar avait pourtant connu une des premières industrialisations de l’Inde avec les usines Tata dans le sud du district, mais la partition de 2000 a laissé cette richesse au Jarkhand voisin.

La volonté d’industrialisation du gouvernement est freinée par les délestages d’électricité qui perturbent jusqu’au développement informatique.

Dans les années 2000, la pauvreté, le manque d’industrialisation, la propriété des terres agricoles par les castes supérieures et la corruption ont amené certains intouchables à rallier des factions maoïstes (les naxalites), ou encore les dacoits, sorte de bandits de grands chemins, qui font la loi, souvent sanglante, dans les campagnes.

C’est dans ce climat social que des écoles comme « l’école à Bodh Gaya » ont eu à s’implanter…

Des mamans dans la cour de l’école

Enfin un dernier point au sujet des langues parlées : on sait que l’Inde est une nation aux multiples langues et dialectes, et cette complexité impacte la justice sociale.

En effet la constitution de 1950 déclare le hindi langue officielle, suivi de l’ourdou et de l’anglais.

Pour l’administration et la justice les demandes et plaintes doivent se faire en hindi, avec le droit à un traducteur, mais la réponse se fera en hindi…

Dans l’administration, personne ou presque ne parle trois langues, et beaucoup de plaintes restent sans suite…

Au Bihar, dans les écoles primaires, on enseigne le hindi, puis l’anglais, puis l’ourdou, et la loi donne droit à l’enseignement du dialecte « maternel »

L’étude et la pratique de l’anglais reste un atout majeur dans un district majoritairement voué aux emplois de service.

Mais comme l’Inde entière, le Bihar évolue.

Le défit de basculer d’une structure économique et sociale quasi féodale aux attentes d’un pays en plein mouvement, est immense.

Il semble que, depuis les dernières élections du nouveau chef de district, l’accent soit mis sur le combat contre la corruption et en faveur de la réfection d’un réseau routier déficient, de la réindustrialisation et du soutien à l’alphabétisation, notamment celle des femmes.

L’éducation reste un point essentiel de changement consenti et de liberté de choix.

Mais comme le disent les grandes publicités qui nous cueillent à l’aéroport: « Incredible India » !